Les outre-mer français » : le titre du dossier thématique de ce numéro de la Revue française des affaires sociales reflète bien la tension qui traverse la série d’articles qui le composent. Ce pluriel est nécessaire tant la tentation d’englober sous le seul nom d’« outre-mer » ces territoires ne tient pas face à l’évidence des spécificités de chacun d’entre eux.
Les différents articles de ce dossier thématique se rejoignent pour constater que ces spécificités des territoires ultramarins sont à l’origine de difficultés pour l’action publique en outre-mer. En effet, les politiques sociales sont mises en tension par la contradiction entre le principe de l’égalité républicaine, qui impose un alignement du droit et des dispositifs ultramarins sur le droit commun, et des contextes locaux si contrastés par rapport à ceux de la métropole que leur transposition stricte est rendue inadaptée, voire contreproductive. Ce constat doit toutefois être nuancé par le fait que les situations socio-économiques des outre-mer français ont incontestablement progressé et sont meilleures que dans les pays environnants, comme en témoignent par exemple de façon très synthétique les niveaux et les évolutions de l’indice de développement humain. Cependant, les écarts qui subsistent entre les départements ultramarins et métropolitains, ainsi que les adaptations liées aux spécificités locales sont souvent ressentis outre-mer comme injustes et attribués au souci métropolitain de contenir l’effort budgétaire en direction de ses territoires ultramarins. Ce sentiment est parfois exacerbé, soit par la revendication d’un devoir de « réparation » de la France vis-à-vis de ces territoires qui ont souffert de l’esclavage ou d’actions préjudiciables exercées par la métropole (par exemple, les essais nucléaires en Polynésie), soit par la remise en cause de la légitimité même de la présence française, par les mouvements indépendantistes.
Ce numéro de la Revue française des affaires sociales vise à rassembler des travaux de disciplines diverses permettant d’éclairer la situation de ces territoires. Les travaux de recherche sur les outre-mer sont souvent épars, peu connus ou difficiles à trouver, et ce numéro pourrait contribuer à une meilleure connaissance de ces territoires dans le champ des conditions de vie, de la santé et de la protection sociale – et de leurs interactions –, connaissance nécessaire à une meilleure prise en compte de leurs spécificités dans la mise en œuvre des politiques publiques.
Lucie Gonzales et Thibaut de Saint Pol
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