La RFAS a choisi de consacrer un dossier aux conséquences à l’âge adulte des difficultés vécues dans l’enfance bien que nombre d’études se soient d’ores et déjà attachées à explorer ce thème. Elles s’attachaient par exemple à mettre en lumière et à comprendre les mécanismes de la transmission intergénérationnelle de la pauvreté.
Les processus en jeu sont, en effet, extraordinairement complexes. D’un côté, les difficultés vécues dans l’enfance peuvent être très diverses : problèmes d’ordre familial (séparation ou décès des parents, maltraitance, etc.), conditions de vie pénibles engendrées par la pauvreté, handicaps ou accidents de santé, etc. Au problème d’identification des facteurs susceptibles d’avoir une influence s’y ajoute un second : c’est probablement le cumul d’un ensemble de facteurs, plus qu’un facteur unique, qui risque d’avoir des conséquences négatives à l’âge adulte. Comment, alors, évaluer et hiérarchiser leurs effets propres, et surtout évaluer l’effet de leur cumul ?
Du côté des « résultats », la complexité n’est pas moindre. En effet, les conséquences négatives à l’âge adulte peuvent, elles aussi, revêtir de nombreuses formes : violence contre soi-même (addiction, automutilation, etc.), violence à l’égard de l’entourage (agressions, etc.), difficultés d’insertion professionnelle et sociale, espérance de vie réduite, etc. Quelle palette de conséquences est-il alors opportun et possible de retenir ? Par ailleurs, ces conséquences peuvent différer selon les catégories de population (en fonction du sexe, de l’âge, des milieux sociaux, etc.) et le milieu culturel, rendant encore plus délicat l’identification des effets propres des événements survenus durant l’enfance.
Enfin, à supposer que les difficultés et leurs conséquences aient été bien identifiées, établir des relations claires et univoques entre la nature des difficultés rencontrées dans l’enfance et la nature des conséquences à l’âge adulte nécessite des approches délicates et de la prudence dans l’interprétation des résultats. Au demeurant, la relation entre expériences vécues durant l’enfance et situations à l’âge adulte échappe au déterminisme : tout est possible à tout âge, aucun destin n’est bien sûr écrit à l’avance. Les phénomènes de résilience en sont l’illustration.
Les connaissances actuellement disponibles sont précieuses. Mais, parcellaires, elles sont insuffisantes pour savoir précisément quels peuvent être les leviers d’action pour des politiques publiques visant à améliorer le « bien-devenir » d’enfants plus vulnérables que les autres à la suite d’événements difficiles. Car si on sait que les difficultés vécues dans l’enfance, surtout dans les premières années, laissent des empreintes multiformes sur les étapes de vie ultérieures, il est impossible d’établir, dans l’état actuel des connaissances, des relations claires et univoques entre le type de difficultés rencontrées dans l’enfance et la nature des conséquences à l’âge adulte. Un même traumatisme infantile aura des conséquences différentes selon les caractéristiques des personnes qui l’auront subi. Il n’y a aucune fatalité à ce que les agressions, les manques et les instabilités subies pendant l’enfance se traduisent à l’âge adulte par des comportements violents, instables ou une souffrance insurmontable.
Les articles de ce numéro ne prétendent naturellement pas faire le tour d’une question aussi complexe. Néanmoins, ils apportent un éclairage dans trois domaines.
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