Le numéro d’avril-juin 2017 de la Revue française des affaires sociales comprend tout d’abord un dossier très approfondi sur « Les modes d’accueil des jeunes enfants : des politiques publiques à l’arrangement quotidien des familles », coordonné par Marie‑Clémence Le Pape, Jacques Bellidenty, Bertrand Lhommeau et Émilie Raynaud. Trois éléments de cadrage aideront les lecteurs et lectrices à mieux connaître d’une part les enquêtes de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) relatives aux modes de garde et d’accueil des jeunes enfants et à la protection maternelle et infantile, d’autre part le fichier localisé des utilisateurs d’établissements d’accueil du jeune enfant de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Ils sont suivis de douze articles répartis en trois axes : « La déclinaison des politiques nationales en dispositifs locaux » ; « Articuler vie familiale et vie professionnelle : des aspirations des parents aux arrangements quotidiens » et « Confier son enfant, accueillir des enfants : les professionnel•le•s face aux parents ». Cinq personnalités livrent ensuite leur point de vue : Bertrand Fragonard, Claude Martin, Bertrand Geay, Anne-Lise Ulmann et Sylviane Giampino. Le dossier se clôt sur le compte-rendu du colloque « Petite enfance : regards croisés sur les modes d’accueil des jeunes enfants » organisé par la DREES le 15 novembre 2016 et sur le rappel de l’appel à contribution.
Le dossier est suivi d’un article hors thème de Cyprien Avenel abordant les enjeux et les impacts de la réforme territoriale sur la mise en œuvre des politiques sociales locales.
Un dossier de la Revue d’histoire de la protection sociale (n°9 /2016) coordonné par Axelle Brodiez-Dolino, chargée de recherche en histoire contemporaine au CNRS-LARHRA.
La Première Guerre mondiale a-t-elle été un incubateur de
l’État social ? Prolongeant l’historiographie sur les origines de
l’État-providence et l’histoire sociale de la Grande Guerre, ce dossier de la Revue d’histoire de la protection sociale,
inscrit dans le cadre des manifestations du Centenaire, aborde de front les
liens entre guerre et protection sociale.
S’ouvrant sur un riche éditorial confié à Anne Rasmussen pour
reproblématiser la question dans une perspective historiographique, il propose
des analyses portant sur les évolutions en France de l’assistance à l’enfance
(Antoine Rivière), de la lutte antituberculeuse (Vincent Viet), de la
solidarité envers les veuves de guerre (Peggy Bette) et du logement des
victimes du conflit (Romain Gustiaux) ; mais aussi sur la diversité
internationale des approches du problème des mutilés de guerre (Gildas Brégain).
On voit ainsi se transformer en profondeur l’assistance
publique à l’enfance, de l’obligation d’abandon par les parents au placement
temporaire ; se développer dès 1915 la lutte contre la tuberculose, à
rebours de l’historiographie classique qui confère à la Commission Rockefeller
un rôle déterminant ; être forgés un statut et une protection étatique des
veuves de guerre ; se recomposer l’approche de la crise du logement pour
conduire à la loi Loucheur ; se confronter les échelles du problème des mutilés
de guerre, rendant sa résolution chaotique.
C’est donc une histoire plurifactorielle et multi-scalaire
qui est proposée ici, analysant l’évolution non seulement des droits, mais
aussi de la perception nouvelle de ces droits que les citoyens-victimes
acquièrent sur la nation.
Les articles du dossier sont complétés par un article de
Catherine Omnès introduisant le rapport Crinon de 1915 : La Chambre de Commerce de Paris et la question
du placement des mutilés de guerre : le rapport Crinon 1915
En dehors du dossier sur la Grande Guerre, le lecteur
trouvera
Des « ateliers de charité » aux « atelier municipaux ».
Le pouvoir municipal grenoblois face au droit du travail (1846-1848) de Cyrille Marconi
Les orphelinats mutualistes (1860-1930) : une aide à l’enfance hors des
murs de Mathieu Peter
La RFAS a choisi de consacrer un dossier aux conséquences à l’âge adulte des difficultés vécues dans l’enfance bien que nombre d’études se soient d’ores et déjà attachées à explorer ce thème. Elles s’attachaient par exemple à mettre en lumière et à comprendre les mécanismes de la transmission intergénérationnelle de la pauvreté.
Les processus en jeu sont, en effet, extraordinairement complexes. D’un côté, les difficultés vécues dans l’enfance peuvent être très diverses : problèmes d’ordre familial (séparation ou décès des parents, maltraitance, etc.), conditions de vie pénibles engendrées par la pauvreté, handicaps ou accidents de santé, etc. Au problème d’identification des facteurs susceptibles d’avoir une influence s’y ajoute un second : c’est probablement le cumul d’un ensemble de facteurs, plus qu’un facteur unique, qui risque d’avoir des conséquences négatives à l’âge adulte. Comment, alors, évaluer et hiérarchiser leurs effets propres, et surtout évaluer l’effet de leur cumul ?
Du côté des « résultats », la complexité n’est pas moindre. En effet, les conséquences négatives à l’âge adulte peuvent, elles aussi, revêtir de nombreuses formes : violence contre soi-même (addiction, automutilation, etc.), violence à l’égard de l’entourage (agressions, etc.), difficultés d’insertion professionnelle et sociale, espérance de vie réduite, etc. Quelle palette de conséquences est-il alors opportun et possible de retenir ? Par ailleurs, ces conséquences peuvent différer selon les catégories de population (en fonction du sexe, de l’âge, des milieux sociaux, etc.) et le milieu culturel, rendant encore plus délicat l’identification des effets propres des événements survenus durant l’enfance.
Enfin, à supposer que les difficultés et leurs conséquences aient été bien identifiées, établir des relations claires et univoques entre la nature des difficultés rencontrées dans l’enfance et la nature des conséquences à l’âge adulte nécessite des approches délicates et de la prudence dans l’interprétation des résultats. Au demeurant, la relation entre expériences vécues durant l’enfance et situations à l’âge adulte échappe au déterminisme : tout est possible à tout âge, aucun destin n’est bien sûr écrit à l’avance. Les phénomènes de résilience en sont l’illustration.
Les connaissances actuellement disponibles sont précieuses. Mais, parcellaires, elles sont insuffisantes pour savoir précisément quels peuvent être les leviers d’action pour des politiques publiques visant à améliorer le « bien-devenir » d’enfants plus vulnérables que les autres à la suite d’événements difficiles. Car si on sait que les difficultés vécues dans l’enfance, surtout dans les premières années, laissent des empreintes multiformes sur les étapes de vie ultérieures, il est impossible d’établir, dans l’état actuel des connaissances, des relations claires et univoques entre le type de difficultés rencontrées dans l’enfance et la nature des conséquences à l’âge adulte. Un même traumatisme infantile aura des conséquences différentes selon les caractéristiques des personnes qui l’auront subi. Il n’y a aucune fatalité à ce que les agressions, les manques et les instabilités subies pendant l’enfance se traduisent à l’âge adulte par des comportements violents, instables ou une souffrance insurmontable.
Les articles de ce numéro ne prétendent naturellement pas faire le tour d’une question aussi complexe. Néanmoins, ils apportent un éclairage dans trois domaines.
La protection de l’enfance et de la jeunesse : le rôle des réseaux transnationaux dans la genèse des politiques sociales européennes durant la première moitié du XXe siècle, un dossier de la Revue d’histoire de la protection sociale (n°5/2012)
Joëlle Droux, Les projets de conventions sur l’assistance aux mineurs étrangers : enjeux et impasses de l’internationalisation des politiques sociales (1890-1939)
Christophe Capuano, La construction des politiques natalistes et familiales durant l’entre-deux-guerres : modèles et débats transnationaux
Joëlle Droux et Damiano Matasci, La jeunesse en crise : acteurs et projets transnationaux face au problème du chômage des jeunes durant l’Entre-deux-guerres
Des articles complètent le sommaire de ce numéro :
Virginie De Luca Barrusse, L’invention du « problème sanitaire de l’immigration » au cours des années 1920
Anne Reimat, L’évolution comparée des régimes professionnels de retraite en France et au Royaume Uni : path dependency et arrangements institutionnels
Isabelle Grenut, Des corps à protéger : nourrir les enfants trouvés des Basses-Alpes au cours du XIXe siècle (avant la loi Roussel)
Sara Brachet et Nathalie Le Bouteillec, Les ambiguïtés de la politique d’accueil des jeunes enfants en Suède : héritage d’un siècle d’histoire sociale
Jean-François Chadelat, La couverture maladie universelle