Le dossier sera coordonné par
Anne-Cécile Caseau (Injep, Laboratoire d’études de genre et de sexualité, Institut Convergences Migrations),
Malo Mofakhami (Centre d’économie Paris-Nord, Université Sorbonne Paris-Nord, Centre d’étude de l’emploi et du travail) et
Mathieu Rossignol-Brunet (Centre Émile-Durkheim, université de Bordeaux, Liepp, Sciences Po Paris).
Cet appel à contributions s’adresse aux chercheuses et chercheurs de différentes disciplines intéressé·es par cette thématique. De fait, les contributions relevant de la sociologie, l’économie, l’histoire, le droit, la science politique, les sciences de l’éducation, la géographie, la santé (liste non exhaustive) sont encouragées.
Les propositions d’article d’une longueur d’une page sont attendues pour le 3 juin 2024
Les propositions, sous format word, mentionneront le titre provisoire, l’axe (ou les axes) dans lequel l’article s’insère, et présenteront le terrain mobilisé, la problématique, la méthode, et les grandes lignes de la démonstration proposée, sans oublier d’indiquer quelques références bibliographiques.
Les articles sont ensuite attendus avant le vendredi 4 octobre 2024
Mise en avant par les médias, en particulier depuis la crise sanitaire de 2020, la question de la précarité étudiante apparaît aujourd’hui centrale. Les recherches relatives à cette période ont souligné le renforcement des difficultés d’accès aux produits de première nécessité (Amsellem-Mainguy et Vuattoux, 2022 ; Guénée et al., 2021) et à conserver ou trouver un emploi pour dégager un revenu (Belghith et al., 2020 ; Lambert et Cayouette-Remblière, 2021). Une enquête menée conjointement par l’Ifop et l’association Cop1 en 2023 montre ainsi que deux étudiant·es sur trois ont déjà sauté un repas par manque d’argent. Les multiples effets sur la santé mentale des étudiant·es ont également été investigués (Roux et al., 2021 ; Belghith et al., 2020), les étudiant⸱es en situation de difficultés financières, ayant un faible soutien social ou présentant un sentiment de solitude étant plus à risque de présenter une détresse psychologique.
Pourtant, cette question, et plus généralement celle des difficultés de vie rencontrées par les étudiant·es, n’est pas nouvelle. Avec la parution en 1964, de l’ouvrage de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Les héritiers : les étudiants et la culture, de nombreux travaux dans les années 1960 et 1970 ont porté sur les inégalités sociales d’accès et de réussite à l’université (Fave-Bonnet et Clerc, 2001). Dès la première massification universitaire, la figure de l’étudiant « héritier » était en voie de disparition, avec une diversification des profils, mais aussi des conditions de vie des étudiant⸱es (Dubet, 1994). Suivant ce constat d’une population étudiante marquée par des clivages, avec des origines sociales et des horizons différents, les travaux sur les étudiants ont souligné dans les années 1980 une « dégradation » des conditions d’études dans les universités du fait du « nombre et du surnombre » d’inscrit⸱es, une situation qui pouvait conduire à la « prolétarisation des étudiants » (Baudelot et al., 1981). En 1998, Valérie Erlich posait cette question : « faut-il parler de la “précarisation” de la population étudiante par référence à la dégradation de leur situation économique et sociale ? » (Erlich, 1998, p. 223), tout en soulignant le fractionnement manifeste qui caractérisait la population étudiante, tiraillée entre l’intégration réussie des plus diplômé⸱es et favorisé⸱es, et la fragilisation des moins diplômé⸱es. Le terme de « précarité » apparaissait alors pour rendre compte de ce qui pouvait attendre les étudiant⸱es à la fin de leurs études, pour saisir la manière dont le diplôme protégeait (ou non) face au chômage et aux transformations des conditions d’emploi. Initialement pensé comme une incertitude grandissante vis-à-vis de l’intégration professionnelle et sociale après les études, le terme de « précarité » a été aussi investi par ceux et celles qui cherchaient à mieux comprendre des dégradations ou des fragilisations des conditions de vie pendant les études. La précarité étudiante est devenue un sujet de recherches universitaires, mais aussi un enjeu politique et syndical important. Il y a quelques années, le 8 novembre 2019, Anas Kournif, étudiant de 22 ans à l’université Lyon 2, s’était immolé devant le Crous de Lyon pour dénoncer la précarité étudiante croissante et les conditions d’études et de vie. Parallèlement, les enquêtes triennales de l’Observatoire de la vie étudiante (OVE) mettent également en évidence les difficultés nombreuses auxquelles font face les étudiant·es.
De fait, si la pauvreté et la précarité étudiantes sont probablement plus fréquentes qu’il y a de cela plusieurs décennies, en lien avec l’accès aux études croissant des jeunes d’origine sociale plus modeste, les étudiant·es connaissant des difficultés de vie ont toujours existé. À ce titre, de nombreux chercheur·ses s’accordent pour affirmer que la crise sanitaire de 2020 est davantage un catalyseur qu’un déclencheur de la précarité étudiante (Fraipont et Maes, 2021 ; ce que constatent aussi Lambert et Cayouette-Remblière, 2021, Trespeuch et Tenret, 2021, et Amsellem-Mainguy et Lardeux, 2022). Elle a révélé une précarité structurelle, tout en accentuant certaines difficultés économiques et matérielles.
La littérature sur la jeunesse étudiante a identifié certains facteurs qui exposent à la précarité financière et matérielle. Dans la mesure où les aides parentales constituent les principales ressources des jeunes (Portela et Raynaud, 2019), et que la question du logement, principal poste de dépense dans les budgets étudiants, se pose différemment selon que les parents résident ou non à proximité des lieux d’études, ces situations de difficultés dépendent largement de l’origine sociale (Pinto et al., 2019). Selon une étude conduite par l’OVE juste avant la crise sanitaire, 26 % des étudiant·es déclaraient ne pas avoir assez d’argent pour couvrir les besoins mensuels, et 20 % déclaraient rencontrer des difficultés financières importantes ou très importantes (respectivement 32 % et 24 % pour ceux d’origine populaire). Cependant, d’autres facteurs entrent également en considération : être âgé de plus de 25 ans ou de nationalité étrangère implique une exposition plus importante à ces difficultés (Belghith et Patros, 2020), ainsi qu’être décohabitant, c’est-à-dire ne plus vivre chez ses parents (Galland, 2023). Des enquêtes récentes font aussi apparaître les effets du genre, et les difficultés renforcées que rencontrent les étudiantes (Bataille et al., 2022 ; Beaupère et Collet, 2020).
La Cour des comptes a étudié en 2022 les dispositifs de soutien et suivi des étudiant·es, et les a jugés insuffisants, ce qui a déclenché un mouvement de multiplication et d’intensification de ces dispositifs dans les domaines du logement, des aides financières, de la restauration, de l’accompagnement et de la santé (par exemple en élargissant l’utilisation de la Contribution de vie étudiante et de campus [CVEC], par la mise en place du repas à 1 euro, l’octroi d’une aide exceptionnelle de 150 euros pour les boursiers ou la mise en place du dispositif « santé psy étudiants »). Le présent appel à articles s’inscrit donc dans un contexte de visibilité et d’action publique renforcées de cet enjeu, et souhaite mettre l’accent sur les conditions de vie des étudiant·es indépendamment des questions de diplomation, de réussite, de persévérance, d’échec ou encore de décrochage, la littérature ayant établi que les étudiant·es les plus précaires, rencontrant des difficultés extra-scolaires ou travaillant en parallèle de leurs études étaient les moins susceptibles de connaître des parcours d’études linéaires (Beffy et al., 2009 ; Beduwé et al., 2019 ; Beaupère et Collet, 2020).
Autrement dit, cet appel invite à des contributions (utilisant des méthodes qualitatives comme quantitatives) qui s’intéressent aux « à-côtés » (entendus au sens large) des études, ainsi que les travaux, analyses ou retours d’expérience sur les dispositifs d’aide ayant pu être mis en place pour lutter contre la pauvreté, la précarité ou encore les vulnérabilités étudiantes. En outre, les propositions d’article faisant état de la diversité croissante de la population étudiante (campus décentralisés, isolés ou connectés ; étudiant·es en territoires ruraux, en alternance, ou encore inscrit·es dans le secteur privé ; étudiant·es parents, de nationalité étrangère ou en situation de handicap ; etc.) seront particulièrement appréciées, tout comme d’éventuelles comparaisons entre la France et d’autres pays.
Axe 1 : Concepts et définitions de la précarité/vulnérabilité/pauvreté étudiante
Un premier axe propose de s’intéresser aux concepts et aux définitions de la/des précarité·s, pauvreté·s et vulnérabilité·s étudiantes, en pouvant par ailleurs faire dialoguer ces trois notions. Il cherche à croiser deux questions : alors que ces notions font l’objet de débats pour cerner leur définition précise, est-ce qu’elles peuvent s’appliquer aux étudiant⸱es ? Qu’est-ce que les travaux sur les étudiant⸱es peuvent permettre de dire sur les notions de précarité, pauvreté et vulnérabilité ?
Si les multiples causes ainsi que le caractère polymorphe de la précarité ont fait l’objet d’études nombreuses (Paugam, 2007 ; Loisy, 2000 ; Jamal et Abdallah, 2016 ; Barbier, 2005 ; Roux, 2022), elle reste une « catégorie mal définie […] [sans] qu’un accord [ne] se dégage sur la définition d’une catégorie sociologique » (Bresson, 2020, p. 15), et ce d’autant plus lorsque l’on s’intéresse aux étudiant·es (Collet et Toullalan, 2016). Le concept de précarité a en effet été davantage développé en relation à l’emploi et à la position sur le marché du travail. Or, les étudiant·es n’y sont pas toutes et tous confronté·es. De la même manière, le concept de vulnérabilité reste lui aussi en construction (Becquet, 2012). S’il se veut plus universel, il semble plutôt évoquer la potentialité de la blessure (Soulet, 2005, 2014), dans une logique de prévention du risque, et fait donc référence à une population intermédiaire, entre les protégés et les exclus (Castel, 1995). Alors que la vulnérabilité est de plus en plus mobilisée dans les politiques sociales de jeunesse, ce concept est davantage employé pour désigner des jeunes non-diplômé·es, non-étudiant·es, et en difficultés d’insertion sociale et professionnelle (Caseau, 2023).
Belghith (2021), à travers les enquêtes de l’Observatoire de la vie étudiante, a souligné l’évolution des définitions de la précarité étudiante dans le temps, mais aussi la difficulté à la mesurer. En effet, la majorité des indicateurs traditionnels apparaissent inadaptés : c’est le cas de la mesure de la pauvreté relative (avec le seuil à 60 % du revenu médian). C’est pourquoi Galland (2023) a par exemple récemment proposé d’étudier les étudiant·es en situation de pauvreté absolue, en retenant donc une dimension monétaire à partir du concept de « vie décente » adaptée au public étudiant. Le statut temporaire et transitoire des études, et la prise d’autonomie plus ou moins progressive par rapport à la famille contribuent aux difficultés d’application de ces notions aux étudiant⸱es
Peut-on par exemple parler de « précarité étudiante » lorsque l’étudiant·e n’est pas décohabitant·e, qu’il·elle réside encore chez ses parents ? Quelle·s frontière·s tracer – ou ne pas tracer – entre précarité objective et subjective des étudiant·es ? Par ailleurs, le terme de « précarité » recoupe-t-il les « vulnérabilités », terme qui, contrairement au premier, n’est pas employé par celles et ceux concernés (Amsellem-Mainguy et Cordazzo, 2018) ?
Les propositions relevant de cet axe examineront par conséquent les rapports entre les notions de pauvreté·s, de précarité·s et de vulnérabilité·s étudiante·s : quels indicateurs, quelles méthodes peuvent être ou non utilisés pour les appréhender ? Comment ces notions se recoupent-elles ou s’opposent-elles ? Comment articuler précarité·s et vulnérabilité·s avec la pluralité des populations étudiantes (cohabitante/décohabitante ; urbaine/rurale ; types de formation et disciplines d’études ; etc.) ? Et, éventuellement, dans une perspective plus historique, comment les définitions proposées jusqu’ici ont-elles évolué dans le temps (en lien avec les contextes sociaux et politiques, ainsi que la croissance de la population étudiante), mais aussi dans l’espace (espaces géographique et institutionnel) ?
Axe 2 : Mesure des conditions de vie matérielles et subjectives
Un deuxième axe vise à s’interroger sur les conditions de vie matérielles et subjectives des étudiant·es. Les particularités des expériences étudiantes soutiennent l’importance d’une approche spécifique de ces questions (Couto, Tenret et Verley, 2024). L’évaluation et la mesure des difficultés économiques restent une question centrale (Drees, 2023). Cela tient en partie à l’origine et aux caractéristiques des ressources des étudiant·es (Castell et Grobon, 2020), étant donné les transferts et aides en nature ainsi que les dynamiques d’entraides familiales et extra-familiales qui rendent difficile l’évaluation purement objective des niveaux de vie (Giret et Tenret, 2020 ; Drees, 2023). La dimension transitoire de la période de vie étudiante, associée à des modes de vie spécifiques, rend l’appréciation des difficultés matérielles complexe, et souligne l’importance d’une approche processuelle, par les trajectoires (Cordazzo et Sembel, 2020). Ainsi, plusieurs études articulent une approche à la fois objective de ces difficultés, mais aussi subjective (Collet et Toullalan, 2016 ; Chevalier, 2023).
Des travaux récents soutiennent que si les conditions économiques et matérielles sont structurantes dans la vie des étudiant·es (Bujega-Bloch et Frouillou, 2024), d’autres aspects des conditions de vie sont essentiels pour saisir la diversité des expériences étudiantes (Collet et Toullalan, 2016 ; Belghith, 2021) et les déterminants de périodes de fragilisation ou d’incertitude (Cordazzo et Sembel, 2020 ; Chevalier, 2023 ; Frouillou et Bugeja-Bloch, 2024 parmi les plus récents). Les mesures des conditions de vie nécessitent une approche multidimensionnelle et processuelle, pour saisir par exemple une précarité « en spirale » (Bugeja-Bloch, 2013 ; Frouillou et Bugeja-Bloch, 2024) : les difficultés sont corrélées, et en rencontrer dans une des sphères de la vie quotidienne (économique, travail, santé, logement, alimentation, etc.) accentue bien souvent le risque d’y être confronté dans les autres. La période du Covid-19 a mis en exergue les difficultés accrues des étudiant·es vis-à-vis de l’emploi (Patros, 2021), mais aussi en matière d’alimentation, difficultés mises en lumière par l’essor des distributions alimentaires étudiantes (Guénée, 2022 ; Paganelli et Clavier, 2023). Les conditions de logement représentent aussi un déterminant structurant des autres dimensions des conditions de vie, en influençant directement les emplois du temps, la mobilité, l’alimentation, mais aussi les relations sociales (Dietrich-Ragon, 2021 ; Bujega-Bloch et Frouillou, 2023).
Comment ces difficultés et vulnérabilités contraignent-elles les expériences étudiantes ? Plusieurs travaux soulignent l’importance d’étudier les stratégies de renoncements à l’œuvre pour faire face à l’accroissement des difficultés et aux aléas économiques (Cordazzo, 2016). L’obligation de travailler à côté des études (Belghith, 2023), les cohabitations contraintes (Dietrich-Ragon, 2021), les différentes formes de renoncement et d’arbitrage, l’impossibilité de participer pleinement aux temps étudiants, mais aussi les effets sur le cadre et les trajectoires d’études (Bonneau et Grobon, 2021) sont, ainsi, directement en lien avec la question des conditions de vie.
La massification de l’enseignement supérieur (Rossignol-Brunet et al., 2022) et l’hétérogénéité du système d’enseignement supérieur français (Convert, 2003, 2010) conduisent à une grande diversité de réalités étudiantes avec des vulnérabilités variables selon les caractéristiques (Bujega-Bloch et Frouillou, 2024). Certaines caractéristiques sont fortement associées à des difficultés accrues, c’est le cas notamment des étudiant·es étranger·es, des étudiant·es issu·es de milieux populaires, des étudiant·es décohabitant·es, des étudiant·es plus âgé·es (parmi lesquels les étudiant·es parents, Régnier-Loilier, 2016 ; Gaide, 2020). En outre, certaines formes de vulnérabilité comme les violences, en particulier les violences sexistes et sexuelles ainsi que les discriminations, représentent des dégradations des conditions de vie auxquelles les étudiant·es sont inégalement exposé·es. Les propositions relevant de cet axe pourront notamment aborder la mesure des difficultés économiques objectives tant sur le plan des ressources que des dépenses, mais aussi approfondir les dimensions subjectives en donnant la parole aux étudiant·es. Les propositions pourront s’attacher à explorer la diversité des formes de vulnérabilité, de précarité et de pauvreté des étudiant·es dans toutes leurs dimensions, en particulier le logement, l’alimentation, l’isolement social, l’accès aux droits et le renoncement aux soins. Il pourra également s’agir d’études portant spécifiquement sur les stratégies d’adaptations face à ces difficultés telles que les arbitrages, les renoncements ou plus généralement sur les contraintes des autres sphères de la vie étudiante. Enfin, des propositions visant explicitement à étudier l’hétérogénéité des situations selon les profils et les territoires de vie des étudiant·es sont les bienvenues (par exemple, comment tenir compte du coût de la vie selon la ville ou les territoires d’études ? Les postes de dépenses, ainsi que les ressources mobilisables – bourses, prêts, etc. – sont-ils les mêmes selon les types et lieux d’études ?).
Axe 3 : État de santé et accès aux soins des étudiant⸱es
Un troisième axe s’intéressera aux questions liées à la santé, et l’accès aux soins, pour les étudiant⸱es. Les alertes sur l’état de santé mentale des étudiant⸱es se multiplient depuis 2020. Selon l’OVE, 43 % des étudiant⸱es présentaient des signes de détresse psychologique en 2020 (OVE, 2021), et dans l’enquête Conditions de vie 2023, ce taux était de 36 % (Belghith et al., 2024). Les étudiant⸱es ayant des difficultés financières, les étudiantes, les étudiant⸱es étranger⸱es et les étudiant⸱es âgé⸱es de 26 ans et plus sont particulièrement touché⸱es par ces difficultés d’ordre psychologique. Ces résultats peuvent se comprendre à l’aune d’un contexte de transformations de l’enseignement supérieur – une massification qui s’accompagne d’une sélectivité croissante, à la fois dans le recrutement de certaines formations (Rossignol-Brunet et Frouillou, 2023) et dans les perceptions qu’en ont les jeunes (Valarcher, 2022), avec un droit à la poursuite d’études supérieures remis en question –, mais aussi des effets prolongés de la crise sanitaire de 2020, ainsi que d’autres crises, environnementale ou politique par exemple (Amsellem-Mainguy et Lardeux, 2020). Ils appellent à d’autres recherches pouvant renseigner les déterminants et les expériences du mal-être chez les étudiant⸱es. Alors que Santé publique France a publié une enquête signalant une hausse des troubles mentaux chez les 18-24 ans (en 2021, 20,8 % des jeunes ont connu un épisode dépressif, contre 11,7 % quatre ans plus tôt) (Léon, du Roscoät et Beck, 2023), quelles sont les spécificités, si elles existent, d’un mal-être étudiant ? Comment est-ce que les conditions d’études ou le statut d’étudiant interviennent dans les états de santé des jeunes ?
L’axe sur la santé ne se restreint pas à la seule question de la santé mentale, mais vise à inviter des propositions portant plus largement sur l’état de santé des étudiant⸱es, leur rapport à la santé, leurs pratiques et leurs parcours de prise en charge et d’accès aux soins. Les travaux relatifs aux pratiques sportives, à l’alimentation, à la santé sexuelle et reproductive, ou aux conduites addictives viendraient ainsi contribuer à une meilleure compréhension de la santé des étudiant·es. Si les étudiant⸱es se sentent globalement en bonne santé (Ronzeau et Belghith, 2018), en 2017, 30 % des étudiant⸱es déclaraient dans une enquête pour l’OVE avoir déjà renoncé à des soins, et parmi eux 44,5 % pour des raisons financières. Quels sont les obstacles que connaissent aujourd’hui les étudiant⸱es pour accéder aux soins ? Où et qui sont les étudiant⸱es qui peinent le plus à accéder à un suivi médical, régulier ou nécessaire ?
Face aux alertes sur la dégradation de la santé mentale des étudiant⸱es, différents dispositifs ou réformes visent à apporter des réponses, comme le dispositif du Santé Psy Étudiant mis en place en 2022 ou la réforme des services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS) en 2023. Devenus services de santé étudiante (SSE), ce dispositif a été réformé pour agir plus globalement sur la santé et mieux couvrir l’ensemble de la population étudiante. Les propositions pourront apporter des éléments permettant de mieux comprendre le (non-)recours à ces dispositifs ou services, leur déploiement territorial ou local, et les perspectives des étudiant⸱es sur les aides qui sont à leur disposition pour les accompagner pour se soigner.
Enfin, nous invitons des propositions qui contribuent à mieux comprendre les inégalités sociales de santé (Gelly, Mariette et Pitti, 2021) au sein de la population étudiante. De quelles manières les rapports sociaux façonnent-ils l’état de santé, et la perception de l’état de santé, des étudiant⸱es, en particulier le genre, la classe sociale, la race, l’âge ou le handicap ?
Axe 4 : Mobilisations étudiantes autour des conditions de vie
En septembre 2023, un campement éphémère s’est installé à quelques pas de l’Assemblée nationale pour dénoncer le mal-logement des étudiant·es. Portée par l’Union étudiante, cette action avait pour but de mettre à l’agenda cette thématique en visibilisant les effets de l’augmentation du coût du logement et du manque d’offre sur les parcours d’étudiant·es.
Si plusieurs travaux soulignent que leur manque d’information et les difficultés rencontrées dans les démarches les exposent de façon non négligeable au non-recours aux aides auxquelles ils et elles ont droit (Vial, 2021), les étudiant·es ne sont pourtant pas passif·ves face aux difficultés qu’ils et elles rencontrent. Ils et elles se mobilisent sous des formes diverses, au travers d’engagements syndicaux, associatifs (Testi, 2023), politiques, mais aussi par des actions en dehors des canaux traditionnels (Chevalier et Loncle, 2021). La crise sanitaire apparaît comme un accélérateur dans le développement de certaines actions (Genelot, 2023), en particulier autour des aides alimentaires et de biens de première nécessité, comme l’illustre la création de l’association Cop1 pendant la crise sanitaire, portée par des étudiant·es de l’université Paris-Panthéon-Sorbonne.
Aussi, le quatrième axe de cet appel porte sur les formes, temporalités et organisations de mobilisations étudiantes autour de leurs conditions de vie pendant les études. Quelles thématiques ont été mises en avant de manière prioritaire dans les mobilisations récentes ? Les étudiant·es ayant des dispositions à la mobilisation plus ou moins fortes (Michon, 2008, 2011), qui sont celles et ceux qui participent à ces mobilisations pour leurs conditions de vie, et à l’inverse, qui en est absent·e ? Quelles sont les difficultés que rencontrent les étudiant·es pour s’organiser ou se mobiliser autour de leurs conditions de vie ? Quelles sont les réactions institutionnelles face à ces mobilisations ? Quelle est par exemple la place donnée par les politiques de la vie étudiante ou de campus aux initiatives étudiantes dans les domaines de l’aide alimentaire, du logement, de la santé, etc. ?
À ce titre, les propositions de comparaison entre types de formations, territoires d’études ou d’habitat sont encouragées. On peut effectivement émettre l’hypothèse que les inégales densités étudiantes (par exemple, entre université et sections de technicien supérieur, entre métropoles et territoires ruraux), ainsi que les conditions de vie (transport quotidien conséquent, travail étudiant) ne sont pas sans influence sur les possibilités de mobilisations.
Il pourra également s’agir de retour d’expériences, de réflexions d’acteur·rices qui sont engagé·es dans la mise en place d’aides, institutionnelles ou non, visant à cibler ces étudiant·es. Quels sont alors les critères retenus ou écartés par ces dispositifs ? Quelles ont alors été les populations étudiantes qui ont pu en bénéficier, ou celles qui ont pu être oubliées ?
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Les auteur·es souhaitant proposer à la revue un article sur cette question devront soumettre avant le 3 juin 2024 leur proposition
à cette adresse : rfas-drees@sante.gouv.fr
Suite à cela, une pré-sélection des articles sera faite par l’équipe de coordination, et une réponse sera donnée dans un délai de 2 à 3 semaines. Les auteur·es retenu·es devront alors faire parvenir à cette même adresse la version définitive du texte avec un résumé et une présentation de chaque auteur·e (cf. les “conseils aux auteurs” de la RFAS)
en respectant le caractère pluridisciplinaire de la revue et son exigence d’accessibilité pour un lectorat profane
avant le vendredi 4 octobre 2024.
La RFAS s’engage à respecter son calendrier de publication. Les dates indiquées sont donc fermes, sauf en cas de force majeure. Merci de votre compréhension.